Sur la route en 2018 et en 2019, j’ai eu le bonheur d’accompagner Rémi dans tous les groupes de codéveloppement. Il nous est apparu de belles découvertes sur le thème du dépouillement. À un point tel que nous avons discerné qu’une seule et unique rencontre ne suffisait pas. Une deuxième s’imposait.

Dans nos explorations, nous avons terminé l’année avec un regard au fond de nos sacs à dos, afin de voir ce qui s’y trouvait, comme par exemple nos rêves, nos blessures, nos ambitions. Un des enseignements reçus fut celui du Père Abbé, de Saint-Jean-de-Matha : « Chaque année, je demande aux moines de vider leur chambre afin de se dépouiller de ce qu’ils y ont accumulé. Vous seriez surpris de tout ce qu’ils peuvent ramasser : roches, branches, élastiques, lettres. »

Se dépouiller d’un emploi peut être aussi difficile que de se dépouiller d’une montre, d’un bureau ou d’une photo. Le dépouillement de l’un n’est pas le dépouillement de l’autre. L’enseignement proposé par le Père Abbé nous amenait non pas uniquement à se dépouiller d’une chose, mais plutôt de prendre conscience de notre attachement aux choses qui créent ce faux sentiment de sécurité. La table était mise pour la suite de nos explorations.

Nous avons proposé un premier exercice de dépouillement conscient durant la période des Fêtes. Il consistait à cibler un objet duquel se dépouiller, tout en s’observant avant, pendant et après s’en être départi. À notre grande surprise, seulement 20 % des leaders l’avaient complété. Tous avaient une raison valable, parfois cocasse, de se raconter une histoire magnifique du « pourquoi cela n’avait pas était fait »! L’oubli, la pertinence et le questionnement furent de belles fuites et une possibilité de toucher à certaines de nos immunités au dépouillement et au changement.

Début 2019, nous avons exploré l’importance de se dépouiller de nos peurs, de nos promesses de protection et de nos croyancesfondamentales, avec le support de nos accompagnateurs François Beauregard et Joseph Rossi. Durant le protocole sur l’immunité au changement (réf : ITC de Robert Kegan et Lisa Laskow Lahey), ces derniers nous ont guidés vers le double fond de notre sac à dos. Le tout bercé par de belles mélodies qui nous invitaient à prendre soin de nous et de l’autre. L’intensité et la profondeur de ces journées sont venues nous décaper et nous amener dans le fond du fond (ouf!). Le but n’était pas de partir en croisade contre nos croyances et nos peurs, mais bien de se rencontrer, de soulever une pierre pour en découvrir l’existence d’une autre dont on ignorait la couleur.

Durant un dialogue, un leader a demandé : « Est-ce vraiment nécessaire d’aller là, au fond? Pas certain que je trouve la motivation ? »Cette question hyper pertinente fit écho chez plusieurs autres. Une piste de réponse est apparue par un enseignement de Dominique Rankin, notre ami et guide. « Lorsqu’on se libère, nos générations à venir se libèrent et aussi celles du passé. » Imaginer nos ancêtres danser et se réjouir invite peut-être à débuter cette exploration?

À son tour, Rémi nous offre une autre piste de réflexion : « Si je ne peux pas apprendre à me dépouiller de l’horloge de ma mère, vais-je pouvoir me dépouiller de ma mère si elle part? » Il nous enseigne aussi qu’apprendre à perdre, à laisser aller, est une étape importante pour apprendre à mourir et bien vieillir. Notre ami philosophe, Jean Proulx, nous dirait : « C’est grandir en humanité. »

Et si le dépouillement nous rapprochait de l’autre, pour nous y voir? Tel un miroir dans lequel on y voit une réflexion, notre réflexion. Moins de bébelles entre nous, plus de nous entre nous!

Normand Brisson, un ami sage, nous disait : « Lorsqu’on est dans une dynamique de posséder, on s’enracine dans le ‘‘pas-céder’’». Une belle piste d’exploration qui nous guide dans une pratique de ne pas s’attacher et qui éveille plutôt une dynamique d’être un voyageur léger, présent et aimant.

Selon nous, toute cette démarche et invitation à se dépouiller n’aurait pas été possible, ou du moins plus difficile, si nous n’avions pas débuté nos réflexions sur la vulnérabilité l’année dernière, avec notre compagnon de route Jean-Marie Lapointe. La terre d’accueil était labourée, malléable et permissive.

Laisser fondre, laisser s’envoler et laisser le dépouillement se faire, n’est-ce pas là une belle porte vers l’autorité intérieure?

Mathieu