Selon le moine Anselm Grün, la vulnérabilité est la porte d’accès à l’autre, à soi-même. Elle permet une vraie rencontre, qui elle-même est source de joie.


Au cours de la saison, nous avons eu le privilège d’accueillir dans nos groupes de codéveloppement Jean-Marie Lapointe. Il est comédien, animateur, auteur, cinéaste, conférencier et surtout notre ami!

Voici ce que nous avons appris : il a osé rencontrer sa vulnérabilité, il s’est laissé guider vers elle en laissant d’autres le prendre par la main... puis il a appris à l’apprivoiser. Aujourd’hui, elle lui apparaît comme une de ses principales forces. Comme il connaît maintenant bien le chemin vers elle, c’est lui qui, comme un sherpa, nous a guidés vers ce lieu en nous-même.

Qu’on la reconnaisse ou pas, qu’on accepte d’y toucher ou pas, qu’on ose la partager ou pas, la vulnérabilité est là. Comme tous les êtres vivants, nous sommes vulnérables. On reconnaît qu’à notre naissance nous le sommes et que souvent on le devient en vieillissant, mais comme le dit Jean-Marie, on oublie qu’entre les deux nous le sommes également. Plutôt dire qu’on résiste à cette réalité, car la vulnérabilité est perçue par plusieurs comme un signe de faiblesse. Tellement de phrases comme : « Un gars ça pleure pas! » ont enraciné cette croyance. Et dans les groupes, nous avons été témoins de leaders qui avaient même de la difficulté ne serait-ce qu’à prononcer ce mot « VULNÉRABILITÉ ». Oser sa vulnérabilité c’est oser ressentir. C’est se donner accès à cette part sensible de nous-même qui nous connecte à notre intuition, à d’autres sources d’intelligence dans notre corps. Ça nous informe sur nos besoins, nos manques, notre humanité. Et c’est par cette sensibilité que nous sommes en contact avec notre environnement, avec les autres. Comment pouvons-nous penser pouvoir discerner avec justesse sans être en contact avec soi-même et avec ce qui nous entoure? Notre vulnérabilité est une antenne qui nous transmet des informations essentielles pour vivre en humanité. Des données que le cerveau échappe.

Toucher à sa vulnérabilité et ressentir sa fragilité nous rappellent également notre impermanence et nous connectent à cette vie qui circule en nous. Nous ressentons alors de la gratitude d’être là. Être poreux à la vulnérabilité nous permet aussi d’être poreux à la joie. Se couper d’elle, nous coupe donc de la joie, cette joie profonde d’être en vie, d’exister, d’être là et de ressentir!

Si j’ai accès à ma vulnérabilité dans un contexte où je reçois des commentaires négatifs par exemple, ça veut donc dire que je serai sensible à la façon de transmettre ce genre de commentaire à un employé, à un collègue ou à un membre de ma famille.

Si je suis sensible à la façon dont on pourrait me faire quitter une entreprise, ça veut donc dire que je serai davantage dans la justesse quant à la méthode choisie pour remercier un employé.

Toucher sa vulnérabilité ne veut pas dire nécessairement la partager, la raconter... Mais simplement la ressentir afin de mieux comprendre celle des autres qui m’entourent.


Donc, rencontrer sa vulnérabilité nous permet de rencontrer aussi celle de l’autre. Elle favorise la rencontre authentique, car vulnérabilité et vérité sont indissociables. Jean-Marie nous raconte combien les personnes vulnérables qu’il a croisées lui ont enseigné le chemin vers son intériorité, vers sa propre fragilité. Il a appris à se laisser déstabiliser, à s’émouvoir, et la vie lui semble tellement plus goûteuse, plus riche, plus subtile.

D’ailleurs, quand j’ai visionné l’émission « Face à la rue » animée par Jean-Marie, il m’est apparu que les rencontres étaient si fluides, si spontanées. Il ne s’agit pas ici d’un animateur vedette qui rencontre des itinérants, mais d’un souffrant qui en rencontre un autre... Un homme qui, reconnaissant sa propre vulnérabilité, rencontre ainsi celle de l’autre.

Récemment, Florence K a osé publiquement partager sa peine d’avoir perdu son emploi à la radio de Radio-Canada. Alors que nous sommes davantage programmés pour cacher ce genre de nouvelle, armés à ne pas laisser paraître notre désarroi face à une situation comme celle-là, et bien Florence K a choisi l’autre avenue, celle de la vulnérabilité. Quel aura été l’impact de ce geste? Mitsou lui a offert deux heures de baladodiffusion chaque semaine dès le lendemain de sa mise à pied. La vulnérabilité aura créé la mobilisation!

Autre exemple à vous partager... À la Maison des Leaders, nous avons un jour organisé une activité qui mettait à l’épreuve les leaders à diriger un orchestre... Un vrai orchestre à la place de notre ami, le chef Jean-Marie Zeitouni. L’un de nos membres, Luc, montant sur la scène, a osé sa vulnérabilité. D’une authenticité désarmante, il a partagé son désarroi à conduire les musiciens et plus il parlait... Plus les musiciens se tenaient au bout de leur chaise. Ils se sont mis à jouer, tout doucement, conduits par les paroles de Luc dans une parfaite harmonie. Ce jour-là, le magnifique enseignement que nous avons reçu est le suivant : la vulnérabilité n’engendra pas le mépris mais plutôt la compassion. La vulnérabilité n’exprime pas un manque de leadership, elle engendre la mobilisation de l’équipe. Merci Luc!

Selon Brené Brown, professeure et chercheure à l’Université de Houston, titulaire de la Huffington Endowed Chair sur la vulnérabilité et le courage, la VULNÉRABILITÉ est aussi le terreau de l’amour, de l’intimité, du courage, de l’empathie et de la créativité. Une source de joie toujours présente et indépendante des conditions extérieures.

Tous les grands leaders que j’ai le privilège de croiser sur la route ne sont pas des êtres invulnérables, mais des femmes et des hommes assez solides intérieurement pour oser leur vulnérabilité. Je les remercie, ainsi que Jean-Marie, de me légitimer à oser la mienne!

Et si c’était par cette porte que la vie nous parle?